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ESPAGNE • Un vrai risque d'explosion sociale


Les chantiers navals de Giron, occupés par les travailleurs


Alors que le pays subit de plein fouet les conséquences de la crise économique, le mécontentement est de plus en plus grand au sein de la population.

Attention aux courants d'opinion que génère la crise. Il y en a trois. Le premier, qui inonde le pays, peut être résumé par un mot : "peur". Presque tout le monde – Ã  l'exception notable, peut-être, du fonctionnaire dont l'emploi et le salaire sont assurés â€“ a peur de ce que le lendemain lui réserve. Le deuxième, élitiste et sectoriel, envisage rien moins que la nationalisation ou l'intervention de l'Etat dans les banques. Il suscite un débat chaotique, le gouvernement et son parti [le PSOE, socialiste] se contredisant plusieurs fois par jour. Le troisième, enfin, bien qu'historiquement moins transcendant, appelle à rompre la tranquillité sociale insolite d'un pays qui s'achemine vers les 4 millions de chômeurs [3,3 millions fin janvier]. Il tient en une question posée de plus en plus fréquemment de jour en jour : mais que font les syndicats ?

Permettez-moi de m'attarder sur ce dernier point. Cándido Méndez [secrétaire général de l'Union générale des travailleurs], Fer­nández Toxo [secrétaire général de l'autre grand syndicat, les Commissions ouvrières] et les autres dirigeants syndicaux sont soumis à une pression énorme. On leur reproche leur calme apparent face à la dégradation de l'emploi. On les accuse de passivité, lorsque ce n'est pas de connivence avec le gouvernement, voire de "copinage" avec ce dernier. On les incite dans le même temps à encourager la mobilisation sociale. Et on les tente parfois avec la grève générale, en leur rappelant qu'ils en ont fait d'autres pour moins que ça. Ceux qui exercent cette pression viennent, étonnamment, des deux côtés de l'échiquier politique, des formations de gauche et d'importants leaders d'opinion de droite. Certains, comme Gauche unie, agissent par conviction idéologique. D'autres sont mus par cette logique étrange : il ne manquerait plus que José Luis Rodríguez Zapatero échappe au châtiment d'une grève générale ! On entend parfois des déclarations qui semblent exprimer un regret que les choses n'explosent pas.

Patience. Malheureusement, tout peut arriver. Au Royaume-Uni, les ouvriers ont commencé à protester contre les étrangers qui prennent leur travail. La France a déjà organisé sa première grève générale contre Sarkozy. Une ministre française a parlé d'un risque d'affrontements violents. Le contre-sommet de Davos a prévenu d'un danger de violence sociale à cause des licenciements. En Russie, les communistes reprennent du poil de la bête et parlent à nouveau de révolution. Et on recommence à voir des incidents dans la rue.

Merci aux syndicats pour leur modération

Comment ne pas comprendre tout cela ? Comment recommander le calme à un père de famille qui a été licencié et qui risque de perdre sa maison ? Comment dire à un chômeur en fin de droits de rester serein ? Comment contenir la colère de ceux qui ont perdu tout espoir de trouver un travail rémunéré ? Le problème de l'Espagne est bien entendu le nombre d'emplois détruits [198 000 pour le seul mois de janvier 2009]. Il faut bien entendu déterminer les causes de cette destruction. Mais les questions qui se posent sont surtout de savoir combien de temps les fonds publics pourront financer le chômage. Combien de temps résistera la paix sociale. Et même combien de temps résistera la sécurité citoyenne.

J'ai l'impression d'être devant un matériau très fragile qui peut se briser entre mes mains – un combustible qui n'a besoin que d'une allumette pour s'enflammer. Je me tourne vers les syndicats et je leur dis merci pour votre modération. Merci de ne pas céder à la tentation de la grève générale.

Fernando Onega
La Vanguardia



18/02/2009
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